Malyé Korely: une fenêtre sur l’architecture en bois du Nord de la Russie
Suivez Russia Beyond sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr
Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a élaboré un procédé complexe offrant à la photographie des couleurs vives et détaillées. Désireux d’utiliser cette nouvelle méthode pour documenter la diversité de l’Empire russe, il a photographié de nombreux sites historiques au cours de la décennie qui a précédé l’abdication de Nicolas II en 1917.
La dernière expédition de Prokoudine-Gorski a eu lieu dans le nord de la Russie à la fin de l’été 1916, alors que la Grande Guerre faisait déjà rage en Europe. Son séjour en ces temps difficiles a été organisé par une commission d’État qui l’avait chargé de photographier la construction du chemin de fer menant, le long de la mer Blanche, jusqu’au nouveau port de Mourman (aujourd’hui Mourmansk), mis en place à l’angle nord-ouest de la péninsule de Kola pour recevoir des fournitures militaires occidentales destinées aux armées russes, qui se trouvaient alors dans une situation difficile.
Gare de Masselskaïa
Parmi les gares photographiées par Prokoudine-Gorski se trouvait celle de Masselskaïa, construite sous la forme d’un vaste dépôt au nord de Petrozavodsk. Ses deux photographies incluent le nouveau bâtiment de la gare et une rangée de maisons en arrière-plan. L’utilisation de méthodes standardisées a permis une construction rapide ; pourtant, les bâtiments se distinguaient par l’utilisation de rondins de pin robustes pour créer des formes fonctionnelles bien proportionnées avec des détails traditionnels.
>>> Le village de Nyrob, sanctuaire du premier Romanov martyrisé
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sur fond de diminution de la population locale, la gare a cessé d’exister. Cependant, la maîtrise de la construction en rondins que l’on décèle dans les photographies de Prokoudine-Gorski plonge ses racines dans une pratique très répandue dans le nord de la Russie.
Heureusement, d’excellents exemples de grandes maisons en rondins du Nord (izba en russe) ont survécu, en particulier dans des villages reculés, comme Kimja près du cercle polaire arctique. Pour le grand public, des bâtiments traditionnels en rondins sont exposés dans des parcs-musées en plein air bien aménagés. Avec l’arrivée des mois d’été, les visiteurs affluent vers ces lieux en plein air populaires, dont l’attrait combine la beauté de l’architecture traditionnelle avec des festivals et des expositions d’artisanat folklorique.
Malyé Korely
L’un des plus grands musées en plein air de ce type est Malyé Korely, situé sur de hautes falaises surplombant le fleuve Dvina septentrionale, à 25 km au sud de la ville d’Arkhangelsk (environ 350 000 habitants). Le musée est délimité au sud par la petite rivière Korelka, qui se jette dans la Dvina et donne son nom au parc.
Ouvert au public à l’été 1973, Malyé Korely se situe loin des destinations plus accessibles de l’Anneau d’Or telles que Souzdal et Veliki Novgorod, qui ont toutes deux leurs propres musées d’architecture en bois tels que Vitoslavlitsy. Néanmoins, les bateaux de croisière accostent à Arkhangelsk en été et de nombreux touristes visitent le parc Malyé Korely.
La structure du parc
Malyé Korely est actuellement divisé en quatre secteurs répartis sur quelque 140 hectares de paysage forestier vallonné (il est prévu d’ajouter deux autres secteurs). Ces secteurs représentent des périodes historiques distinctes de la vaste province d’Arkhangelsk. Des églises et des chapelles en bois sont exposées, ainsi que des maisons et des granges en rondins – on trouve même plusieurs moulins à vent.
En effet, un moulin à vent est visible depuis la porte d’entrée menant au premier secteur, consacré aux régions occidentales proches de l’ancienne ville de Kargopol et disséminées le long de la rivière Onega. Cette zone était une voie commerciale importante menant au nord vers la mer Blanche et l’archipel des Solovki.
Dans les bois situés près de l’entrée se trouvent deux maisons en rondins spacieuses de la région de Kargopol : la maison Poukhov, du hameau de Kisseliovo près de Liadiny, et la maison Kirillov, du hameau de Bolchié Khaloui près d’Ochevensk. Chaque maison donne une idée de l’agencement intérieur de ces « maisons forteresses » du Nord, qui comprennent une grange attenante à l’arrière pour protéger le bétail et les provisions durant les longs hivers.
>>> Le monastère des Saints-Boris-et-Gleb, monument à la résistance durant le Temps des troubles
Premier secteur
L’église de l’Ascension (avec un clocher séparé) érigée dans le village de Kouchereka en 1669 est l’un des édifices les plus frappants du premier secteur. Ses cinq coupoles s’élèvent d’un toit évasé avec des bardeaux de bois qui se chevauchent selon un motif connu sous le nom d’« écailles de poisson ». L’intérieur comportait deux autels. Celui du niveau supérieur était dédié au prophète Élie et à la martyre sainte Parascève, patronne des jours de marché, tandis que le niveau inférieur (chauffé en vue d’une utilisation tout au long de l’année) était dédié à l’Ascension.
Non moins impressionnant, un clocher de la fin du XVIe siècle construit à l’origine dans le village de Kouliga-Drakovanovo, qui fait partie de la région de Krasnoborsk située au sud de la rivière Dvina. Faisant partie des plus anciennes structures en rondins qui subsistent dans le nord de la Russie, le clocher culmine à environ 26 mètres, s’élevant depuis une structure octogonale allongée en rondins. L’intérieur présente trois paliers avec des volées d’escaliers menant à l’espace ouvert destiné aux cloches, qui est abrité par un haut toit en chapiteau.
Deuxième secteur
Un sentier en bois mène le long d’un ravin escarpé jusqu’au deuxième secteur, consacré aux structures originaires des villages situés le long du fleuve Dvina septentrionale. De grandes demeures qui combinent un savoir-faire complexe avec l’utilité et la solidité de la construction sont exposées.
L’élément dominant est l’église Saint-Georges du hameau de Verchina, près de Toïma supérieure, sur la rive droite de la partie sud de la Dvina. L’église a un toit en forme de tour en flèche typique du nord de la Russie. L’intérieur possède une iconostase partiellement préservée avec de riches gravures baroques.
>>> Toucher du doigt le génie à Iasnaïa Poliana, le domaine de Léon Tolstoï
Secteurs 3&4
On trouve aussi les secteurs plus petits de Pinega et Mezen, nommés d’après les rivières du même nom situées dans la partie nord-est de la province d’Arkhangelsk. Tous deux bénéficient d’un cadre pittoresque sur des falaises surplombant la rivière Korelka.
Les secteurs de Pinega et Mezen présentent plusieurs maisons, dont certaines appartenaient à des Vieux-Croyants, des dissidents de l’Église orthodoxe qui étaient nombreux dans cette partie septentrionale de la Russie.
Le secteur Pinega contient également la belle chapelle de la Sainte Trinité, construite au début du XVIIIe siècle dans le village de Valtievo. Ce groupement miniature comprenant entrée, vestibule et espace principal s’élève au-dessus du niveau enneigé en hiver. Les planches du toit à forte pente arborent des extrémités sculptées qui projettent une ombre sur les murs en rondins. La chapelle est coiffée d’une coupole et d’une croix en bois.
Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l’Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s’est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d’une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield vous emmenait à la découverte de Miass, une ville née de l’or de l’Oural.
Chers lecteurs,
Notre site web et nos comptes sur les réseaux sociaux sont menacés de restriction ou d'interdiction, en raison des circonstances actuelles. Par conséquent, afin de rester informés de nos derniers contenus, il vous est possible de :
- Vous abonner à notre canal Telegram
- Vous abonner à notre newsletter hebdomadaire par courriel
- Activer les notifications sur notre site web